Le loup et l'agneau se désaltéraient dans le courant d'un ruisseau ; le premier fort près de sa source, l'autre fort au-dessous. Le loup, qui ne cherchait qu'un prétexte pour mettre l'agneau en pièces, ne l'eut pas plutôt aperçu, qu'il courut à lui, et l'accusa d'avoir troublé son eau. Comment pourrais-je la troubler ? lui dit l'agneau tout tremblant. Je bois fort au-dessous de l'endroit où vous buvez ; croyez que bien loin de chercher à vous nuire, je n'en ai pas seulement la pensée. Hier, répliqua le loup, je vis ton père qui animait par ses cris des chiens qui me poursuivaient. Il y a plus d'un mois, répondit l'agneau, que mon père a senti le couteau du boucher. C'était donc ta mère, poursuivit le cruel. Ma mère, repartit l'autre, mourut ces jours passés en me mettant au monde. Morte ou non, reprit le loup en grinçant des dents, je sais combien tu me hais, toi et tous les tiens ; il faut que je m'en venge. Cela dit, il se lance sur l'agneau, l'étrangle et le mange.
L'agneau n'alléguait rien pour sa juste défense,
Qui ne mit le loup dans son tort ;
Mais il ne savait pas qu'opprimer l'innocence,
C'est le droit du méchant, quand il est le plus fort.
L'âne se moquait un jour du sanglier, et le bravait. Celui-ci fut sur le point de l'en punir, mais il retint sa colère : Malheureux! lui dit-il en le regardant d'un oeil de mépris, qu'il me serait aisé de rabattre ton insolence! mais aux dieux ne plaise que je m'emporte contre un lâche qui n'en vaut pas la peine.
Se venger d'un faquin, c'est se déshonorer ;
Mépriser sa lâche insolence,
C'est toute la vengeance
Qu'un noble coeur en doit tirer.
Un aigle tenait une huître entre ses serres, et s'efforçait d'en rompre l'écaille, pour en tirer le poisson qu'elle renfermait, mais sans pouvoir en venir à bout. Vous voilà bien intrigué, lui dit une corneille qui mourait d'envie de lui extorquer sa proie ; élevez-vous en l'air, et le plus haut qu'il vous sera possible ; puis laissez tomber votre huître sur ces cailloux : l'écaille sera bien forte si elle ne s'y brise. L'aigle trouva l'expédient merveilleux, et fit ce que l'autre lui conseillait ; mais la conseillère seule y trouva son comte, car l'huître s'étant brisée en tombant, la corneille enleva le poisson, et prit la fuite, non sans rire de la sotte crédulité de l'aigle.
Quand un fourbe vous dit : Pour finir votre affaire,
Voici ce qu'il faut faire ;
Vous croyez que pour but il n'a que votre bien ;
Mais désabusez-vous ; il ne songe qu'au sien.